Par Thierry Piolatto

Oui, si l’on prend ses précautions

Il existe une certaine confusion dans les produits destinés au comblement des rides : produits non résorbables et contrefaçons augmentent cette confusion.

acide-hyaluronique injections

Anti Age Magazine a recueilli les avis du docteur Ghislaine Beilin, Médecin Esthétique, vice-présidente de la FFMEAA (Fédération Française de Médecine esthétique et Anti-Age) et du Docteur Eric Auclair, Président de la SOFCEP (Société Française des Chirurgiens Esthétiques Plasticiens) pour savoir si l’acide hyaluronique pouvait présenter des dangers.

Anti Age Magazine : « Tout d’abord, qu’est-ce que l’Acide Hyaluronique ? »

Dr Ghislaine Beilin : « L’acide hyaluronique est un composant naturel de notre organisme qui diminue avec l’âge. Nous en perdons 8 à 10% tous les 10 ans. Globalement à 50 ans, nous avons perdu 40% de notre acide hyaluronique. D’où le concept de compenser les carences de l’organisme, les pertes des volumes et les rides avec de l’acide hyaluronique ».

AAM : « Comment est-il fabriqué ? »

Dr G.B : « C’est un produit fabriqué par biotechnologie. Il est résorbable, dégradé et utilisé par l’organisme. Il ne nécessite pas de test préalable à l’injection. Les normes de fabrication, de qualité et de sécurité sont celles applicables à tous les dispositifs médicaux injectables ou implantables dans le corps.

Depuis plus 10 ans d’utilisation en esthétique, c’est une vraie avancée en sécurité par rapport aux produits injectables antérieurs utilisés : produits non résorbables, produits d’origine animale ou silicone maintenant interdits ».

AAM : « Est-ce un produit sûr ? »

Dr G.B : « Les complications observées sont rares et inversibles. Il s’agit en général de qualité de fabrication de produits insuffisante ou de contre-indications sur des patients qui n’auraient pas dû se voir proposer de tels traitements ou de fautes techniques d’injection.

Nous travaillons avec les Ministères de tutelle et les organismes de conformité pour améliorer le contrôle de la fabrication de l’acide hyaluronique, et surtout la qualification des médecins experts en médecine esthétique pour garantir une qualité et sécurité des traitements.

Une controverse émerge actuellement sur la présence de BDDE (Butane Diol Diglycidyl Ether) agent réticulant d’origine chimique utilisé pour stabiliser le produit,  augmenter sa durée de vie et son effet volumateur. Une étude sur des souris a montré à dose 2000 fois supérieur à celles utilisées en esthétique un risque de carcinogénèse.

La dégradation et la métabolisation du BDDE ont été étudiées : les molécules d’acide hyaluronique sont fragmentées en petits morceaux par des enzymes, les hyaluronidases, l’acide hyaluronique et le BDDE sont éliminés par les macrophages, cellules de défense naturelles de notre organisme.

A ma connaissance, aucun cancer ni décès n’a pu être mis en relation avec une injection d’acide hyaluronique à visée esthétique, ou rhumatologique, ou ophtalmologique. N’oublions pas que l’acide hyaluronique est aussi utilisé en injection intra articulaire pour régénérer le collagène du cartilage, et en intra ophtalmique en implants de cataracte avec des volumes et des concentrations bien supérieurs sans aucune suspicion iatrogène.

Rappelons que l’acide hyaluronique non réticulé injecté superficiellement en technique de mésothérapie ne comporte pas de BDDE, il est donc sans danger et est donc exclu de ce débat ».

AAM : « Qu’en est-il de la recherche ? »

Dr G.B : « La recherche tend à développer des réticulations sans BDDE, avec des agents naturels. Récemment, un laboratoire en fabrication d’acide hyaluronique en Ophtalmologie, Rhumatologie et Esthétique a déposé un brevet mondial de réticulation naturelle dénommé « Thiomer » basé sur des molécules (SH) présentes à l’état naturel dans le corps. Les essais cliniques sont en cours et d’ici 1 à 2 ans ce problème sera probablement solutionné par la recherche ».

AAM : « Les autres composants d’une « seringue » peuvent-ils poser des problèmes ? »

Dr G.B : « Pour traiter des volumes ou des rides, il n’y a aucune indication de mélanger de l’acide hyaluronique à un autre composant – cela peut seulement cumuler les risques d’effets secondaires locaux ou d’allergie.

En revanche pour les plans superficiels – l’acide hyaluronique non réticulé et donc fluide a une durée de vie très courte. L’ajout de molécules hydratantes endogènes, c’est-à-dire présentes à l’état naturel dans l’organisme : glycérol, sorbitol permet d’améliorer les résultats d’hydratation et la durée de vie du produit sans aucun danger.

Certains produits sont ainsi associés à des complexes d’acides aminés et de vitamines pour une utilisation en surface par des techniques d’injection superficielle de mésolift.

L’utilisation de l’acide hyaluronique injectable à visée esthétique depuis plus de 10 ans en Europe est une grande avancée pour la sécurité des patients. Les produits sont résorbables et les quelques complications observées toujours réversibles.

La sécurité va dans le sens de la qualification des médecins et la rigueur des contrôles de production de l’acide hyaluronique. La Fédération Française de Médecines Esthétiques et Anti-Age en collaboration avec les Chirurgiens Esthétiques et les Dermatologues œuvre dans ce sens ».

Le docteur Eric Auclair est l’actuel Président de la SOFCEP (Société Française des Chirurgiens Esthétiques Plasticiens). Il est chirurgien plasticien.

AAM : « Peut-on émettre des doutes sur l’acide hyaluronique aujourd’hui ? »

Dr Eric Auclair : « Les données actuelles de nos connaissances ne nous permettent pas de mettre en doute la qualité des acides hyaluroniques purs (sans composants adjoints) mis actuellement sur le marché. L’affaire PIP doit nous rappeler à la plus grande prudence dans le choix des produits que nous utilisons, car il s’est  avéré que la certification des produits pouvait laisser passer des anomalies regrettables.

La plus grande prudence reste de mise dans leurs utilisations chez des patientes ayant reçu antérieurement des injections d’autres produits, dans ce cas le risque de réaction inflammatoire est possible notamment si les produits antérieurs sont pro-inflammatoires. Malheureusement il n’est pas rare que les patientes n’aient pas une connaissance de la nature exacte des divers produits qu’elles ont reçu. A ce titre je rappelle que la tenue d’un carnet où sont colligés tous les produits injectés est recommandée.

En temps que Président de la SOFCEP, je me félicite des efforts faits et à venir, qui vont dans le  sens de l’amélioration de la qualité et de la fiabilité des traitements de chirurgie et de médecine esthétique :

–       qu’il s’agisse d’un meilleur encadrement de la formation et de l’enseignement aux praticiens;

–       ainsi que d’une amélioration des processus de certification et de contrôle-qualité des produits mis en vente ».

80 acides hyaluroniques actuellement commercialisés

Actuellement environ 80 produits sont commercialisés en France par 25 fabricants. L’AFSSAPS a classé les produits de comblement de rides en trois catégories : les produits résorbables, lentement résorbables, non résorbables. On entend par produits « résorbables » et « lentement résorbables » des produits éliminés dans le temps naturellement par l’organisme par opposition aux « non résorbables » qui persistent définitivement dans la peau.

L’Afssaps  déconseille  aujourd’hui l’utilisation dans une finalité esthétique des produits injectables non résorbables du fait d’un risque non maîtrisé d’effets indésirables graves très retardés. Le risque d’apparition de tels effets, plusieurs années après, peut être augmenté par l’injection de produits divers ou autres traitements à visée esthétique.

Sécurité : un marquage CE obligatoire

Les produits injectables de comblement de rides font partie des dispositifs médicaux et en tant que tels doivent satisfaire aux exigences essentielles de la directive européenne 93/42/CEE modifiée par la 2007/47/CE. Les fabricants doivent soumettre leurs produits à une évaluation de leur sécurité et performances par un organisme dit « notifié » c’est à dire habilité à délivrer un certificat CE, nécessaire au fabricant pour établir sa déclaration de conformité. Celle-ci lui permet d’apposer le marquage CE sur son produit et d’assurer une libre circulation sur le marché européen. Ce type d’organisme est contrôlé par une autorité compétente nationale (en France l’Afssaps) au sein de l’UE.

L’Afssaps est en train d’élaborer un référentiel d’application de la norme ISO 10993 spécifique aux produits injectables de comblement des rides. La directive 2007/47/CE applicable au 21 mars 2010 renforce les exigences en matière d’évaluation clinique et insiste sur le recueil de données complémentaires après la mise sur le marché du produit.

Traçabilité : restez informé

De par leur caractéristique invasive et le grand nomadisme des candidats dans le domaine de l’esthétisme, les produits injectables de comblement des rides doivent être tracés lors de chaque injection, comme le sont les dispositifs médicaux.

Le patient recevant une injection doit être informé des caractéristiques du produit injecté (nom commercial, fabricant, numéro de lot) ainsi que des circonstances de l’injection (médecin, lieu, indication et site d’injection).

Contrefaçon et falsification : attention aux achats sur Internet

Achetés par des particuliers sur Internet, ces produits pénètrent en France le plus souvent par transport postal, ce qui rend difficile leur détection.  Leur présence dans les circuits illégaux leur permet d’échapper aux contrôles réguliers réalisés par les autorités sanitaires.

Les dispositifs médicaux achetés sur Internet même lorsqu’ils sont proposés sous un nom connu déjà commercialisé, ne sont pas toujours ceux qui ont fait l’objet d’un marquage CE médical. Dans ces conditions, ni la qualité, ni les conditions de conservation des dispositifs médicaux achetés sur Internet ne peuvent être garanties. Le candidat à l’injection s’expose à recevoir des dispositifs médicaux contrefaits ou de qualité inférieure pouvant être périmés ou altérés par des conditions de stockage ou de transports inadaptés. De même, les matières premières utilisées dans ces produits peuvent aussi être contrefaites ou de qualité médiocre.

L’Afssaps procède à une communication internet dès lors qu’elle a connaissance de l’existence de produits contrefaits.

Contrôle satisfaisant des établissements français

La Direction de l’Inspection et des Etablissements de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) a conduit une campagne d’inspections en 2009 et en 2010 sur les sites français de la majorité des établissements qui commercialisent des produits injectables et résorbables de comblement des rides. Le panel de ces établissements comprend 9 fabricants et 8 distributeurs. La plupart des établissements inspectés ont effectué les communications de mise sur le marché français des produits qu’ils mettent sur le marché. Ils disposent d’un système de management de la qualité globalement satisfaisant, à l’exception des mesures prises en matière d’audits qui doivent être améliorées. Ils disposent de données de biocompatibilité de leurs produits, étiquettent correctement leurs produits, ont qualifié leurs équipements, validé leurs processus de production et de contrôle, produisent dans des conditions satisfaisantes. Ils effectuent correctement la stérilisation, opération d’autant plus délicate que les produits injectables de comblement, qui sont sensibles à la chaleur, sont stérilisés à la vapeur d’eau. La traçabilité des matières premières, des opérations de production et des produits mis sur le marché est satisfaisante.

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