Par Jean-Yves Goar
Qu’elle situe son action en Bretagne ou à l’aéroport Charles de Gaulle, qu’elle nomme
les personnages de ses romans Marie-Soleil avec poésie ou Etienne Marcel avec espièglerie, Isabelle Artus écrit avant tout pour ses lecteurs et les transporte dans une bulle de bonne humeur.
L’écriture confère le pouvoir d’accélérer ou de stopper le vieillissement, donne droit de vie (et de mort) ou encore de changer d’apparence. Autant de prérogatives qui feraient rêver nombre de médecins anti-âge.
Jean-Yves Goar : Comment décidez-vous de l’âge de vos personnages et comment travaillez-vous les psychologies qui en découlent ?
Isabelle Artus : L’âge s’impose de lui-même mais la psychologie se construit lentement selon qu’il s’agit d’une psychiatre guadeloupéenne de cinquante ans, une banlieusarde de vingt ans qui rêve du Japon ou une octogénaire qui disparait dans un aéroport.

JY.G. : Comment entrez-vous dans la peau d’une Arménienne centenaire ?
I.A. : Je me documente énormément. Je lis, je regarde des documentaires pour m’imprégner de la géographie et de l’histoire et de l’époque concernée. Je cherche également le métier exercé par mon personnage. Mes recherches terminées, je me glisse facilement dans sa peau et alors seulement, je réfléchis à ses aventures sur fond historique.
JY.G. : Sur quels critères dotez-vous vos personnages d’atouts de beauté ou de séduction ?
I.A. : J’essaie surtout de rendre mes personnages attachants et mémorables. Dans « Donnez-moi de mes nouvelles », les deux amies du héros ont des physiques qui correspondent à ce que j’imagine de leur caractère. Olympe a une silhouette de ballerine, une élégance sophistiquée et Alma-Marie une beauté naturelle de 1m80 pour cent kilos, mais toutes les deux séduisent pour des raisons différentes.
JY.G. : Écrire autorise à contrôler le temps. Est-ce pour vous un moyen de le traverser sereinement ?
I.A. : Je ne sais pas si écrire permet de contrôler le temps, surtout lorsque j’ai un manuscrit à rendre ! En revanche l’écriture me permet de me promener dans le temps, de revenir en arrière, de m’attarder dans un présent étiré, de faire se côtoyer des personnages réels et fictifs.
JY.G. : Votre personnage Odette, devenue idole de vos lecteurs, est une dame d’âge certain et bien dans son âge. Lui avez-vous imaginé une « routine » non écrite en filigrane ?
I.A. : Odette est très coquette et considère que prendre soin de soi est une politesse que l’on fait aux autres. Sa routine serait à la fois simple et sophistiquée. Chaque matin au réveil et le soir avant d’aller se coucher, elle dépose cinq petits points de crème Nivéa : sur le front, le menton, le nez et les joues. Elle prend soin de ses cheveux avec une coiffeuse à domicile et se fait les ongles comme une manucure professionnelle ! Enfin, une vaporisation d’eau de Rochas et la voilà prête à affronter le monde.
JY.G. : Où aimeriez-vous vieillir ?

I.A. : J’ai deux endroits chers à mon cœur. Le premier est Paris. J’y suis née, j’y habite à l’instar de nombre de mes personnages. Le second est Roussillon dans le Lubéron, bien connu pour ses carrières d’ocre. J’aimerai vieillir ici et là-bas.
Isabelle Artus : Ancienne rédactrice en chef à Psychologies Magazine, Isabelle Artus est aujourd’hui romancière. La Petite Boutique Japonaise (Flammarion), son premier roman, a connu un beau succès en France et à l’étranger, où il a été traduit en cinq langues. Elle a publié Odette et le taxi jaune et Donnez-moi de mes nouvelles aux éditions Charleston.