par Thierry Piolatto
Alors que le Sénat vient d’adopter un amendement visant à encadrer plus strictement la pratique de la médecine esthétique en France, ANTI-AGE Magazine vous propose un décryptage clair et factuel.
Dans cet article, retrouvez :
• Le nombre réel de médecins pratiquant la médecine esthétique
• Les mécanismes de formation et d’autorisation envisagés
• Le point sur le non-remboursement des actes esthétiques
• Les enjeux liés à la TVA et au statut libéral
• Le rôle des syndicats médicaux face aux fake injectors et aux dérives
Un éclairage indispensable, nourri des analyses du Dr François Turmel, Président du SNME, et de plusieurs experts du secteur.
Après la signature le 23 novembre 2025 par les sénateurs d’un amendement faisant suite à celui adopté dans le cadre de l’examen du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026 à l’Assemblé Nationale et destiné à réguler le marché de la médecine esthétique, ANTI-AGE Magazine a souhaité vous présenter un point précis sur les sujets suivants :
- Le nombre de praticiens exerçant des actes dits de médecine esthétique, comme les injections d’acide hyaluronique, de toxine botulique, implants capillaires, lasers, etc…
- L’encadrement prévu de cette pratique
- Le non-remboursement des actes de médecine esthétique par la Sécurité Sociale
- L’application d’un taux de TVA
Pour le Dr François Turmel, Président du SNME, Syndicat National des Médecins Esthétiques :

« Selon la dernière étude démographique du CNOM, le Conseil National de l’Ordre des Médecins, la France compte 102 050 médecins généralistes, 2 900 dermatologues et 1048 chirurgiens plasticiens/esthétiques. Aucune source (DREES, CNOM) ne recense précisément le nombre de médecins généralistes pratiquant des actes de médecine esthétique. Pourquoi ? Parce qu’il ne s’agit pas d’une spécialité, donc non recensée par les organismes de santé en tant que « médecine esthétique » sachant qu’un médecin généraliste peut consacrer 100% de son temps à pratiquer de tels actes, soit effectuer de temps en temps un acte de médecine esthétique ».
Quel est le nombre de médecins esthétiques ?
Le chiffre avancé par le gouvernement de 10 000 praticiens concernés par la médecine esthétique semble surestimé.
Nous recensons plutôt :
- 1500 médecins généralistes pratiquant occasionnellement et 500 à temps plein
- 290 dermatologues proposant des actes de médecine esthétique, soit 10% de cette spécialité*
- 1048 chirurgiens plasticiens
Soit un total « large » de 2 838 « médecins esthétiques, 1% du nombre total des praticiens. A ces chiffres peuvent toutefois s’ajouter des ophtalmologues ayant le droit d’intervenir sur la zone péri-oculaire, des dentistes pouvant intervenir sur la zone péri-buccale ou encore quelques chirurgiens face et cou mais le chiffre de 10 000 nous parait loin de la réalité.
Le Dr François Turmel précise : « Pour le SNME, l’estimation de “4 à 5 000 généralistes esthétiques” est infondée. Le SNME dénonce cette estimation comme non documentée et spéculative, faute de registre officiel ou d’enquête fiable. D’autant qu’une étude récente et conjointe entre le CNOM et le Collège de Médecine Générale (mars 2025) montre que :
• les actes de laser/lumière pulsée = 0,9 % des actes des généralistes,
• les injections = 1,1 %,
Sachant que ce sont les mêmes généralistes qui pratiquent ces 2 types d’actes. Le SNME conclut que moins de 1,5 % des médecins généralistes (soit moins de 1 500) pratiquent des actes de médecine esthétique, occasionnellement et probablement pas plus de 500 à temps complet. »
Quelle est la situation des dermatologues ?
Il est important également de revenir sur la situation des dermatologues souvent pris à partie sur les réseaux sociaux et de distinguer deux éléments essentiels : le nombre de dermatologues en baisse constante (3,4 dermatologues-vénéréologues en exercice pour 100 000 habitants) et le nombre d’actes consacrés à la médecine esthétique estimés également à 10%. Le Dr Luc Sulimovic, dermatologue libéral à Paris, ancien praticien hospitalier et président du Syndicat national des dermatologues-vénérologues (SNDV) souligne que le nombre de Dermatologues-Vénéréologues en France est aujourd’hui bien évidemment insuffisant pour répondre à la demande des patients, un décret publié fin juillet 2025 ayant fixé à seulement 102 le nombre de nouveaux internes pour la rentrée 2025, un chiffre trop faible pour combler les demandes. Le Dr Sulimovic s’alarme à ce propos de la baisse constante des effectifs, passant de 4 000 dermatologues il y a 10 ans à 2 900 aujourd’hui dont plus de la moitié étant en cumul emploi-retraite.
Comment est encadrée la médecine esthétique ?
Depuis 2024, un DIU (Diplôme Inter Universitaire) a été mis en place et permet de former (selon les CHU pouvant les accueillir) 60 praticiens par an. Cela reste insuffisant mais cela constitue un début de régularisation. Une VAE (Validation des Acquis) attend également d’être promulguée pour permettre aux médecins le souhaitant de valider leur exercice de médecine. Il faut souligner que de nombreux praticiens se forment régulièrement au cours de leur vie professionnelle à travers des DU, des congrès ou de nombreux workshops. L’amendement propose que ce parcours travail/ formation soit une base pour le CNOM (Conseil National de l’Ordre des Médecins) dans le cadre de la délivrance d’une autorisation préalable pour exercer cette activité, chaque praticien devant consacrer préalablement un minimum de 5 ans en médecine curative avant de se tourner vers la médecine esthétique. La plupart des professionnels concernés saluent ces initiatives. Néanmoins des demandes comme la possibilité d’injecter de la toxine botulique par des médecins généralistes (seuls les chirurgiens et les dermatologues y sont autorisés) restent en suspens.
Par ailleurs, nous attirons l’attention sur le cas des « Fake Injectors » qui est loin d’être réglé d’autant plus si le nombre de médecins esthétique venaient à diminuer entraînant de facto une recrudescence de ces actes illégaux. Dr François Turmel : « Le SNME souligne que la pratique de la médecine esthétique représente un enjeu sanitaire majeur, notamment face à la prolifération des “fake injecteurs”. Si le SNME est depuis longtemps convaincu de la nécessité d’une régulation des flux et d’une formation de l’activité de la médecine esthétique, il a alerté à de très nombreuses reprises, depuis 2018, les autorités sanitaires sur les dangers de ces FI qui aujourd’hui sont hors de contrôle à l’instar du narcotrafic ».
Est-ce que les actes de médecine esthétique sont remboursés par la Sécurité Sociale ?
Là encore la confusion règne car si les citoyens pensent que ces dépenses « beauté » pèsent sur le budget de la Sécurité Sociale, il n’en est rien, car les actes de médecine esthétique ne sont pas pris en charge. Le Dr François Turmel explique : « Les actes de médecine esthétique ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale puisqu’il n’existe actuellement aucun codage de ces actes dans la classification commune des actes médicaux. Le secteur d’activité du médecin conditionne aussi la prise en charge par l’assurance maladie et les mutuelles ; pour un médecin en secteur 3 les consultations et les actes qu’il réalise ne peuvent donner lieu à aucun remboursement. Pour les médecins en secteur 1 ou 2 les consultations peuvent être prises en charge mais attention à ne pas abuser de certaines cotations prévues par la CCAM qui précise que les actes à visée esthétique ne peuvent pas être facturés ».
L’ambiguïté entre médecine libérale et publique à travers la TVA
De nombreuses personnes soulignent que le médecin formé « gratuitement » à travers le système universitaire se doit d’exercer une médecine publique. Il faut là aussi souligner que le régime de chaque praticien est un exercice libéral de la profession. Concernant la médecine esthétique, cet aspect libéral est par ailleurs renforcé par l’application d’un taux de TVA de 20% appliqué par le gouvernement. Pour le Dr François Turmel : « Depuis le 1er octobre 2012 les actes de médecine et de chirurgie esthétique sont considérés par l’administration fiscale comme des prestations de services, sans but thérapeutique et à ce titre assujettis à un taux de TVA à 20% ».
*Proportion de la dermatologie esthétique dans l’activité libérale des dermatologues (Etat de lieux de la dermatologie libérale février 2024) :
- 24,78% entre 10 et 30%
- 6,03% entre 30 et 50%
- 2,01% entre 50 et 70%
- 2,90% entre 70 et 90%
- 64,29% moins de 10%
Plus d’information : SNME


