Par le Docteur Jean-Michel Mazer

Apparue en 2009, la cryolipolyse est une procédure permettant un remodelage corporel par le froid. Encore méconnue il y a quelques années, elle est rapidement devenue très populaire voir incontournable. Malheureusement, le boom actuel des traitements par cryoliployse a vu l’émergence de nombreux appareils dont la qualité n’est pas toujours au rendez-vous avec une qualité variable, une efficacité et une sécurité aléatoire.

Avec plus de 11 ans d’expérience au sein du CLIPP, le Dr Jean-Michel Mazer est en mesure de faire un point complet sur cette procédure innovante

Vous avez au sein de votre centre une grande expérience de la cryolipolyse que vous proposez depuis 11 ans. Peut-on tirer un bilan de cette technologie ?

Dr Jean-Michel Mazer: Rappelons tout d’abord ce qu’est la cryolipolyse qui permet par le froid de réduire les petits amas graisseux du corps. La cryolipolyse s’inspire en effet de la pathogénie de la panniculite au froid, ce qui signifie qu’une exposition au froid associée à une vasoconstriction va entrainer une réaction infl ammatoire modérée de l’hypoderme. Cette réaction sera suivie dans les 3 mois d’une apoptose d’adipocytes (autrement dit d’un suicide des cellules graisseuses), source d’une adipocytolyse durable. Si l’on utilise cette technique sur des bourrelets graisseux, on en diminuera progressivement le volume, en toute sécurité et de façon durable. C’est un traitement «intelligent»!

Est-ce une procédure simple à mettre en oeuvre ? Pour le patient, sans aucun doute ! Par contre sur un plan technologique, pas du tout car le refroidissement doit être précisément contrôlé pendant toute la séance. Pour y parvenir, rappelons que près de 10 années de recherche ont été nécessaires au prestigieux Wellman Institute pour la mise au point du CoolSculpting à partir d’un cahier des charges complexe. Il fallait que la température atteinte au sein des adipocytes soit précisément celle induisant la cristallisation des lipides intra-cellulaires, à savoir + 4° Celsius. Si cette température n’était pas atteinte, le traitement n’était pas ou peu efficace, et si elle était dépassée (vers 0°C), elle exposait à un risque de nécrose cutanée, qui peut encore être observée malheureusement avec certains appareils du marché.

Aujourd’hui, ces incidents sont inacceptables ! Pour obtenir une efficacité et une sécurité optimales, il est vitale de disposer de la présence d’un contrôle permanent de température (grâce à des capteurs thermiques), et de systèmes anti freezing réellement performants en surface. Or les appareils proposés sont nombreux, du moins en France, et ils diffèrent beaucoup en terme de qualité. Notre rôle est d’en être conscient et nous sommes avant tout responsables vis à vis nos patients.

Quelle est la tolérance vis à vis de cette procédure et existe-il des effets secondaires?La cryolipolyse est une technologie très rassurante et dénuée d’effets secondaires sévères, du moins avec l’appareil que nous utilisons depuis 10 ans. Les effets secondaires peuvent être de l’érythème, quelques cas d’ecchymoses, des douleurs d’intensité modérée, des hypoesthésies, exceptionnellement des parésies (bras). Tous ces effets secondaires sont transitoires. Les cas d’hyperpigmentation post inflammatoires peuvent être observés avec certains appareils, plus qu’avec d’autres, traduisant peut être un mauvais contrôle de température en surface. La notion qu’une hernie inguinale (grosseur sous-cutanée localisée au niveau de l’aine) peut être induite par le traitement est fausse. Le syndrome de Raynaud (trouble temporaire de la circulation du sang) n’est pas une contre-indication.

Les cas de brûlure et de nécrose, effet secondaire sévère et inacceptable, n’ont été observés qu’avec certains appareils, utilisés par des esthéticiennes, mais aussi par des médecins. En fait le seul problème, «ennuyeux» est l’hyperplasie paradoxale, marquée par une augmentation du bourrelet de l’ordre de 10 à 20%. Des études récentes montrent que son incidence est comprise entre 1 cas sur 2000 à 4000. Etant imprévisible, le patient devra en être prévenu lors de la consultation préalable. Une liposuccion, qui était initialement l’alternative, peut être alors proposée. On ne peut la classer comme effet indésirable grave pour cette raison, puisque ce serait conclure qu’une liposuccion est une intervention à risque !

Enfin précisons que ces données sont fiables pour ce qui concerne l’appareil de référence, car, malheureusement, l’écrasante majorité des études lui est consacrée.

Quelle est l’efficacité de ce procédé?

La cryolipolyse doit être comparée à une petite liposuccion. Elle ne peut remplacer une liposuccion de deux litres, ni un régime. Il ne faut traiter que des bourrelets bien limités, non diffus, au risque de s’exposer à des résultats inhomogènes (non uniformes), difficiles ensuite à réparer. Il faut rester réaliste. Les meilleures indications sont les flancs, le ventre et la région sous mentale, ainsi que les gynécomasties masculines idiopathiques (augmentation de la glande mammaire). Et il ne faut pas confondre traitement de la laxité cutanée et traite-ment des volumes, même si, du fait d’une néosynthèse collagénique, la cryolipolyse n’expose pas au risque d’aggravation de cette laxité.

Le respect de ces strictes indications permet alors un taux de satisfaction très élevé, surtout pour un acte non invasif, permettant une reprise des activités quasi immédiate, et au résultat durable, comme le montre notre expérience supérieure à 10 ans.

Quelle est l’avenir de la cryoliployse ? Grâce à une politique continue de développement, les appareils ont évolué. Dans notre centre, nous commençons, à travers une étude d’évaluation, à utiliser la dernière génération de CoolSculpting, qui bénéficie des dernières avancées. Les applicateurs ont été retravaillés pour une meilleure préhension du bourrelet, ils sont aussi plus larges, et permettent un refroidissement plus homogène. L’avenir dira si nos espoirs d’une effi cacité amplifiée seront confirmés. La cryolipolyse doit rester un acte médical pratiqué par des médecins bien formés, utilisant des appareils apportant une réelle sécurité à chaque seconde du traitement et bénéficiant d’études de qualité.

C’est loin d’être le cas aujourd’hui pour de nombreux appareils. On pourrait conclure que la principale faiblesse de ce traitement reste… le médecin, dans le choix de son acquisition, et celui de ses indicationsau moment de déterminer le plan de traitement !

Jean Michel Mazer, dermatologueLe docteur Jean-Michel Mazer est directeur médical du Centre Laser International de la Peau-Paris (Paris 7ème), dermatologue, major de la promotion 1984, ancien assistant à la Faculté de médecine Paris VII, il pratique les lasers depuis 1991. Il enseigne dans les trois diplômes universitaires consacrés aux lasers, et est membre fondateur et ancien président du Groupe Laser de la Société Française de Dermatologie. Fellow member de l’ASLMS, Prix Galien 2017 de dermatologie esthétique pour le traitement laser des radiodermites chroniques post cancer du sein. Le Dr Mazer dirige le Centre Laser International de la Peau (CLIPP) à Paris au 85, avenue de La Bourdonnais.

Plus d’informations : centrelaserclipp.com 

Références : *. Allergan. Données non publiées. Etude de marché concernant CoolSculpting®. Décembre 2020. 1. Allergan. Unpublished data. INT-CSC-1950062. CoolSculpting® market research. July 2019. 2. Sasaki G, et al. Aesthet Surg J 2014;34(3):420–31. 3. Allergan. Système CoolSculpting® Elite. Manuel d’utilisation, CS-UM-CM3-04-FR-A, Juillet 2020 4. Allergan. Données non publiées. Dimensions et informations de conception des applicateurs CoolSculpting®. Décembre 2020. 5. Allergan. Système CoolSculpting® manuel d’utilisation, BRZ-101- TUM-FRA-F, mars 2017. 

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