Par le Dr Philippe Kestemont et le Dr Frédéric Braccini

Les docteurs Philippe Kestemont et Frédéric Braccini nous parlent des évolutions de leur métier avec un rôle accru de la prévention, du suivi et du conseil à long terme de leur patientèle.

 

Nous voyons nos patients au minimum deux fois par an !
Dr Philippe Kestemont : « Nous avons vraiment pris conscience du rôle que l’on jouait désormais vis à vis de nos patients en leur posant cette question simple : Quels sont les médecins que vous voyez régulièrement dans votre vie ? Au moins tous les ans ? En effet, est-ce qu’une femme va voir son généraliste, son gynécologue deux fois par an ? Est-ce qu’un homme va voir son généraliste ou son urologue régulièrement ? Finalement non ! Alors que chez nous (ndlr Médecins et Chirurgiens esthétiques), avec une prise en charge esthétique qui se fait au moins tous les 6 mois, il en résulte que nous suivons nos patientes non seulement avec régularité (au minimum deux fois par an) mais aussi année après année et ce depuis 15 ans, voir 20 ans quelquefois. Et quand elles sont confrontées à un événement important (on m’a trouvé un cancer, mon mari a développé telle pathologie…), elles nous questionnent : Vous vous y connaissez docteur ? Avez-vous quelqu’un à me recommander ? Ainsi nous devenons un médecin en quelque sorte référant ! »

Nous ne sommes plus dans le « one shot » esthétique !
Dr P.K. : « Il nous arrive ainsi de sortir de notre rôle initial car les patients vont être amenés à me poser des questions qui n’ont rien à voir avec ma spécialité. A ce moment là, je vais leur dire : Oui il faudrait voir tel médecin, vous me tiendrez au courant de la suite et cela me permettra d’être au courant de l’évolution du profil de santé de mes patients. Prenons un exemple : si vous êtes actuellement sous chimiothérapie, je ne vais pas vous proposer de faire des injections en vous suggérant de rattraper le temps perdu en fin de traitement, par contre, je vous conseillerai d’hydrater malgré tout votre peau pendant cette période. Je continuerai ainsi à suivre ce patient, à le conseiller. Cela nous fait sortir de cette notion que le chirurgien esthétique n’est qu’un one shot ».

Dr Frédéric Braccini : J’ai aussi de facto cette approche plus large puisque je me charge de chirurgie de la face et du cou avec une approche aussi bien médicale qu’esthétique et je me suis apperçu que progressivement et notamment avec l’arrivée des millénials la régularité des rendez-vous s’est intensifiée. Au début nous faisions des soins esthétiques une fois de temps en temps et les patients venaient quand ils en ressentaient le besoin, quand ils avaient une opportunité mais au fur et à mesure des années, je convoque beaucoup plus souvent mes patients (environ tous les 3 à 4 mois) et je prends conscience que je suis devenu leur interlocuteur privilégié pour leur santé. Nous dépassons notre rôle de « spécialiste de l’esthétique ». Nous devenons un référant, un confident, un médecin traitant qui va s’occuper des accros de la vie. Certaines personnes m’enregistrent d’ailleurs comme leur médecin référant. Entre le bien-être esthétique et le bien-être mental, le chirurgien n’est plus seulement un médecin de « surface ».

Le terme de médecine esthétique est devenu inapproprié !
Dr P.K. : Si l’on pousse la réflexion plus loin, pour moi, le terme de médecine esthétique est devenu impropre, et renvoie à quelque chose de superficiel. Nous pourrions plutôt évoquer la médecine anti-âge, celle du co-ageing, car nous accompagnons chacun dans l’âge, la vie, donc dans sa santé et nous participons à tous les événements qui vont les aider à vieillir dans de bonnes conditions. Il n’y a pas que « l’image ». En esthétique on dit : on va traiter les rides ! Mais ce n’est pas du tout ça : on ne « traite pas les rides », on fait de la prévention, on accompagne l’âge ! En ce sens la notion de médecine anti-âge est plus adaptée que celle de médecine esthétique ! »

Dr F.B. : En effet, des termes apparaissent comme pro-ageing, le co-ageing mais aussi des patientes très très jeunes comme ces filles qui viennent consulter à partir de à 20 ans et que nous allons accompagner toute leur vie. Nous avons commencer à soigner les baby boomers à 40 ans mais maintenant nous intervenons beaucoup plus tôt dans la vie des patients !

Disposer d’un réseau de spécialistes

Dr P.K. : Un autre aspect de l’évolution de notre métier est notre capacité à diriger nos patients vers d’autres spécialistes. Je suis chirurgien de la face et je ne suis pas là pour faire de l’endocrinologie. Mais quand un patient me soulève un trouble d’intolérance au glucose ou un problème de poids ou autre…, je vais l’adresser à un médecin dont c’est la spécialité. L’intérêt des sociétés savantes comme la SAMCEP par exemple qui regroupe des médecins internistes, des dermatologues, des chirurgiens est de pouvoir s’appuyer sur un réseau solide dont on connait les membres. Le but n’est pas d’entrainer le patient dans un engrenage mais lui proposer un système de soins holistique avec une prise en charge possible par un panel de médecins compétents.

Dr F.B. : Grâce à cette composante réseau, en tant que chirurgien, nous sommes amenés à nous intéresser à d’autres spécialités que la notre. Nous acquérons ainsi des notions sur les compléments alimentaires, sur les lasers, sur les produits injectés. Il nous est possible de donner des conseil plus complets, plus éclairés. Je me rappelle que lorsque j’ai démarré, je ne comprenais rien en dehors de ma spécialité !

Dr P.K. : Proposer à un patient d’aller voir tel ou tel autre spécialiste et avoir en retour son avis pourra également me permettre également de mieux le traiter, de lui apporter un plus. Je suis là pour écouter mes patients et si ceux ci sont par exemple soumis à un stress important, je peux leur apporter des conseils et les diriger vers les personnes compétentes. Le concept qui était de dire « Je vais faire un lifting et pendant 10 ans je ne vois plus personne » est fini. Aujourd’hui nous proposons un traitement sur du long terme, une approche qui est devenue globale, régulière, récurrente.

Disposer d’un historique complet avec une traçabilité des produits
Dr F.B. : La personnalisation des soins est importante et les patients ont besoin d’avoir plus d’informations : quels sont les produits qui leur ont été injectés, quelles ont été les quantités administrées, quel sera leur suivi, etc ? Il nous arrive d’aborder un sujet que l’on n’aime pas particulièrement aborder comme les effets indésirables car ils existent et la possibilité de disposer d’un historique complet avec une traçabilité des produits, des numéros de lots va considérablement nous aider.

Dr P.K.: Quand il y a des complications, quel est le produit responsable ? Est-ce celui qui vient d’être injecté récemment ou celui qui l’a été il y a 6 mois ? Est-ce le mélange des 2 produits ? Dispose-t-on d’un dossier patient qui va nous permettre d’y apporter la bonne réponse ? Le vagabondage esthétique auquel il nous arrive d’être confronté peut être sympathique mais passer de Dubai, à Paris, puis Nice complique cette nécessaire traçabilité. Et en fait le seul dossier qui est vraiment à jour reste le dossier médical. Si nous en avons l’accès, nous disposons de l’historique. A vouloir « dé-médicaliser » les actes esthétiques, nous nous retrouvons avec des faux médecins, des « fakes injectors » mais aussi avec des produits non autorisés et des effets secondaires graves.

 

Par le Docteur Frédéric Braccini
ORL, Chirurgie Plastique de la face, Nice – France.
Secrétaire de la Société Française de Chirurgie Plastique de la Face.
Ancien Président et Co-fondateur de la SAMCEP, directeur scientifique des Awards de l’Esthétique Médicale
Plus d’informations sur braccini.net

 

Et par le Docteur Philippe Kestemont
Chirurgien de la face et du cou.
Doctorat de médecine en 1995 à la Faculté de Nice, diplômé « Desc » Face et cou en 1997.
Enseignant associé à la Faculté de médecine de Nice. Directeur scientifique de Visage, AMWC Monaco. Co-directeur du « Cadaver Course Imcas », Paris. Membre de European Academy of Facial Plastic Surgery. Membre de la Société Française de Chirurgie Plastique et Esthétique de la Face. Membre de la SAMCEP.
Plus d’informations sur docteurkestemont.com

 

 

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